Israël et les Emirats arabes unis annoncent une normalisation de leurs relations diplomatiques
Selon la Maison Blanche, ces « accords d’Abraham » sont les premiers du genre conclus depuis le traité scellé en 1994 entre Israël et la Jordanie. Jeudi 13 août, Israël et les Emirats arabes unis ont annoncé avoir conclu un accord de paix négocié sous l’égide des Etats-Unis censé conduire à une normalisation complète des relations diplomatiques entre les deux pays du Moyen-Orient.
Après de longues discussions tripartites, qui se sont accélérées récemment, l’accord a été conclu, jeudi, par téléphone entre le président américain, Donald Trump, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le cheikh Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi, précise la présidence américaine.
Suspension de l’annexion d’une partie de la Cisjordanie
Un communiqué commun des trois pays précise que leurs dirigeants ont « convenu de la normalisation complète des relations entre Israël et les Emirats arabes unis ». « Cette avancée diplomatique historique va faire progresser la paix dans la région du Moyen-Orient et témoigne de la diplomatie audacieuse et de la vision des trois dirigeants ainsi que du courage des Emirats arabes unis et d’Israël pour tracer un nouveau chemin qui permettra de révéler l’énorme potentiel de la région », peut-on lire.
Le communiqué précise aussi qu’Israël va « suspendre » la déclaration de souveraineté sur les zones de Cisjordanie évoquée dans le plan de paix présenté en janvier par Donald Trump. L’accord pourrait aussi aboutir à améliorer l’accès des musulmans à la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem, ajoute la Maison Blanche.
Des délégations israéliennes et des Emirats doivent se rencontrer dans les semaines à venir pour signer des accords bilatéraux portant sur l’investissement, le tourisme, des liaisons aériennes directes, la sécurité, les télécommunications et d’autres sujets, poursuit le communiqué. Israël et les Emirats arabes unis devraient aussi échanger prochainement des ambassadeurs.
Nétanyahou assure ne pas avoir renoncé aux projets d’annexion
Il s’agit d’une « percée spectaculaire », a commenté M. Trump sur Twitter, qualifiant cette normalisation d’« accord de paix historique entre nos deux grands amis ». Le président américain a annoncé ensuite, lors se sa conférence de presse quotidienne, que l’accord serait signé dans les trois prochaines semaines à Washington. Il a remercié le premier ministre israélien et le prince héritier d’Abou Dhabi, « deux personnes fantastiques, pour leur vision et leur qualité de leaders ».
« Aujourd’hui, une nouvelle ère commence dans les relations entre Israël et le monde arabe », a déclaré jeudi soir M. Nétanyahou lors d’une conférence de presse. Si l’accord aura pour effet de « reporter » les projets d’annexion en Cisjordanie occupée, le premier ministre israélien a assuré qu’il n’avait pas « renoncé » à cette option.
« Lors d’un appel entre le président Trump et le premier ministre Nétanyahou, un accord a été trouvé pour mettre fin à toute annexion supplémentaire de territoires palestiniens », s’était plus tôt félicité le cheikh émirati Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane sur Twitter. « La plupart des pays y verront une étape audacieuse pour parvenir à une solution à deux Etats [pour résoudre le conflit israélo-palestinien], donnant du temps aux négociations », avait déclaré le ministre des affaires étrangères émirati, Anwar Gargash.
Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a, lui aussi, salué dans un Tweet « une étape [vers la] réalisation de la paix au Moyen-Orient ». Le sultanat d’Oman, lui, a exprimé vendredi son « soutien » à l’accord « historique », a annoncé un porte-parole du ministère des affaires étrangères. « Nous espérons que cette décision contribuera à établir une paix complète, juste et durable au Proche-Orient », a ajouté le responsable, cité par l’agence de presse officielle Oman News Agency (ONA).
La Jordanie attend des preuves
Aymane Safadi, chef de la diplomatie jordanienne n’a ni salué ni rejeté l’accord. Il a affirmé que son avenir dépendrait des prochaines actions d’Israël, qui doit mettre un terme à « son entreprise illégale » d’occupation de territoires, qui mine les efforts de paix, ainsi qu’à « ses violations des droits des Palestiniens ». M. Safadi a appelé Israël à s’engager « dans des négociations actives, directes et sérieuses de paix sur la base d’une solution à deux Etats ».
Ces dernières années, Israël a développé une coopération officieuse avec des économies régionales comme Bahreïn, les Emirats et l’Arabie saoudite avec lesquels il cherche à normaliser ses relations. Par le passé, cette normalisation était intimement liée au processus de paix avec les Palestiniens, qui devait servir de pont aux relations avec le monde arabe et plus largement musulman.
Mais pour M. Nétanyahou, c’est plutôt la normalisation avec les pays arabes qui poussera les Palestiniens à un accord de paix avec Israël. « La gauche israélienne et mondiale a toujours dit qu’on ne peut pas faire d’accord de paix avec les pays arabes sans la paix avec les Palestiniens. (…) Pour la première fois dans l’histoire, Benyamin Nétanyahou a brisé ce paradigme », a réagi son parti, le Likoud.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a dit, jeudi dans un communiqué, espérer que cet accord créerait « une occasion pour les dirigeants israéliens et palestiniens de reprendre des négociations substantielles, débouchant sur une solution à deux Etats conformément aux résolutions onusiennes en la matière ».
M. Guterres a rappelé qu’il avait toujours milité pour la suspension des projets israéliens d’annexion en Cisjordanie occupée. La France, dans un communiqué du chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, s’est félicitée de cet accord de normalisation et de la « décision prise dans ce cadre » par l’Etat hébreu de « suspendre l’annexion de territoires palestiniens » en souhaitant que cela devienne « une mesure définitive ».
Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a jugé vendredi que l’accord était « une contribution importante à la paix dans la région ». C’est « un pas historique », a estimé le chef de la diplomatie allemande, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE.
Le Hamas dénonce un « chèque en blanc »
Pour le mouvement islamiste palestinien Hamas – au pouvoir dans la bande de Gaza –, cet accord constitue un « chèque en blanc » pour la poursuite de « l’occupation » israélienne en Cisjordanie. « Cet accord est rejeté et condamné. Il ne sert pas la cause palestinienne mais est considéré comme une continuation du déni des droits du peuple palestinien », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Hazem Qasem, le porte-parole du Hamas.
En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a qualifié jeudi soir de « trahison » de la cause palestinienne cet accord de normalisation et a appelé à une « réunion d’urgence » de la Ligue arabe pour le dénoncer. Elle a annoncé en outre le rappel « immédiat » de son ambassadeur à Abou Dhabi en guise de protestation.
En Iran, le ministère iranien des affaires étrangères a qualifié cet accord de « stupidité stratégique d’Abou Dhabi et de Tel-Aviv qui renforcera sans aucun doute l’axe de résistance dans la région ». « Le peuple opprimé de Palestine et toutes les nations libres du monde ne pardonneront jamais la normalisation des relations avec l’occupant et le régime criminel d’Israël et la complicité des crimes du régime », a déclaré le ministère iranien dans un communiqué.
De son côté, la Turquie a accusé les Emirats arabes unis de « trahir la cause palestinienne » en acceptant de signer un accord de normalisation des relations avec Israël soutenu par les Etats-Unis. Ankara pourrait ainsi officiellement suspendre ses relations diplomatiques avec Abou Dhabi en réponse à un accord, a affirmé vendredi le président Recep Tayyip Erdogan. Ardent défenseur de la cause palestinienne, le président turc critique régulièrement les pays arabes, qu’il accuse de ne pas adopter une attitude suffisamment ferme face à Israël.